mercredi, février 01, 2006

22h20, cerveau, état des lieux


Sept heures du matin. J’ai un train à prendre et je descends la côte. Mon visage sent la crème au capuchon rose pâle. Je porte les gants verts rayés de vert plus foncé. Sans doute il dort encore. Je crois que je souris. Il y a du vent et je souris. L’herbe du pré, à ma gauche, est blanche et j’ai les oreilles qui piquent un peu. On est le premier février. C’est arrivé comme ça tout d’un coup. Parfois dans la vie on ne voit plus le temps passer. On se réveille un matin et on est le premier février. Dans une paire d’heures il se réveillera aussi et passera les gants bleus rayés de bleu plus foncé. Son visage sentira le riz blanc. Et je fermerai sans doute un peu les yeux, juste quelques secondes, pendant que les p’tits potes travailleront, le temps de le voir encore mieux, lui qui ne me quitte pas un instant, et je respirerai lentement. Je jette un œil par la fenêtre du train. Il doit geler sur les gros câbles, juste au-dessus de moi. Le contact du train et du métal provoque des étincelles qui lancent une lumière bleutée sur les rails d’à côté. Les fenêtres sont fermées et on entend crépiter le métal et le froid, comme du bois très sec dans la cheminée.

La voix de F. me fait du bien. Elle a l’air de bien aller. Elle me manquait. L’entendre me fait réaliser qu’elle me manquait encore plus que je le pensais. J’aime écouter ma collègue M. Elle va se choper la soixantaine d’ici pas longtemps et je ne la verrai plus, et la salle des profs sera un peu plus triste encore. La dixième clope de la journée au bout des doigts, elle me parle d’une voix faible et rauque de cinéma italien, puis d’une scène de La Vie de Brian. Sa voix me repose et m’abstrait du reste de la salle brailleuse et plaintive. Je m’approche un peu d’elle et je n’entends plus sonner la fin de la pause. B. me passe les mains dans les cheveux. Elle m’a fait de la mousse au chocolat et demain elle nous fera des crêpes et je dormirai dans un coin de sa maison, mon accordéon à portée de mains. Il faudra que je pense à défaire le sapin. Dimanche, à deux, on mettra les fleurs dans des vases et on rangera boules, perles, et plumeaux vieux rose dans du papier tout fin qu’on remisera au fond du grenier. J’écoute Silsila Ye et je la vois tourner en projetant sa poudre rouge. Je sors du restaurant. Je voudrais des notes avec lui, un jour… Je serai patient. J’en rêve, juste.

J’ai mis le chauffage dans la chambre, placé une bougie dans le photophore Chandramukhi et je vais me faire du thé.

Je crois qu’il a fait très froid ce matin.

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Merci, Cri pour ces mots superbes qui réchauffent... et qui font croire que, parfois, la vie peut être belle...
Tendres pensées.

ven. févr. 03, 06:47:00 PM  

Enregistrer un commentaire

<< Home