vendredi, septembre 22, 2006

Emilie

Emilie Simon est belle à rester la bouche ouverte. Elle a piqué les chaussettes et la robe d’Alizée, c’est dommage, mais mon frère a l’air d’aimer ça. Moi, ça me plaît quand elle fait des vagues avec ses bras, ou qu’elle chipote à son bras bionique tout en chantant. Emilie Simon fait des notes toute douces au piano, et elle dit merci comme une fille de conte. Une espèce de Chaperon noir un peu rock mais gentil quand même. Pas une note à côté. Sa voix se balade comme sur une lame. Mais une lame coupante, acérée et précise comme un couteau à sushis. Elle a une guitare bleu ciel et blanche, comme une cuisine des années 50, ou une machine à expresso Illy. Emilie a un joli prénom, aussi. Elle n’arrivera pas à me faire bouger du popotin mais elle a un talent fou.

Les principes

- Je suis allé voir l’Enlèvement au Sérail à la Monnaie hier soir. Je ne connaissais pas du tout cet opéra. Toi oui ?
- Non peut-être ! Mais ne me dis pas que c’était pas en costume d’époque, quand même, dis ! s’offusque d’emblée ma collègue de néerlandais du haut de son accent bruxellois un rien pincé, comme dans les jolis quartiers de Woluwé.
- Ben non, ce n’était pas en costume d’époque. Mais ce n’était pas choquant pour autant ! Tant que ça se justifie scéniquement et qu’il y a une réflexion derrière, je ne vois pas ce qu’il y a de dérangeant !
- Et le mobilier, c’était du mobilier d’époque ?
- Non plus…
- Arfgh (interjection indiquant un dégoût profond ressemblant à s’y méprendre à un râle d’agonie). Ce n’est pas possible ça quand même, alleï ! Mozart a quand même écrit ça il y a combien… 300 ans ? Ce n’est pas pour aller foutre des costumes d’aujourd’hui. Ce qui est écrit est écrit et on n’y bouge plus.
- Peut-être qu’on devrait alors remplacer les éclairages par des bougies, se pincer le nez pour ne pas en respirer la fumée, parler et chanter à tue-tête comme c’était le cas à l’époque !
- Ah, là je ne dis pas, quand même, hein… C’est peut-être pousser un peu loin la charrette !
- Ben faut savoir…
- …

Trace

Je suis souvent loin de la toile. Je regarde les blogs s’agiter. Je passe, je ne laisse plus de trace. Nulle part. Souvent, je pense à tous ceux qui ont croisé mes mots, et que j’ai rejoint de l’autre côté. Beaucoup d’entre eux me manquent. Et s’ils ne me manquent pas, ils sont oubliés.
Je ne sais pas si je passerai encore ici, ni à quelle fréquence. Ma vie est incroyablement ailleurs. Elle est ailleurs mais les doigts me démangent.
Le train s’arrêtera bientôt dans notre ville à nous. Ni tout à fait la sienne, ni tout à fait la mienne. Une ville pour nous deux, et tous les autres. Une ville où tout est à faire, entre « le bleu Baltique et les galets de Noirmoutier », comme tu nous l’écris.

Et dans cette ville, je veux bien être ta mer.

Retour

Je suis tout à l’avant du train. Loin des navetteurs et des odeurs de journées de travail trop âcres pour mon humeur. Et puis je te retrouve, un peu. Occupé par tes anciennes pages que j’ai tordues dans tous les sens, je ne suis plus passé par ici.
Je me suis dit, là, pile au milieu du quai n°4, en voyant ces deux ados se quitter, elle dans le train, lui au sol, que je ne serais plus jamais à sa place à elle. Et si plus jamais n’est pas possible, je fermerai fort les yeux en attendant que ça passe.
Sel et Sucre, je veux dire le Sel et Sucre d’avant les escaliers est bien terminé. Il repose en 169 pages au pied de notre bureau. Je ne sais pas ce qu’il deviendra. On parle de publication. Je suis d’accord. Tout est prêt pour ça. Et ce jour-là, je le tiendrai relié, et je me dirai que tout est bouclé. Je sourirai sans doute, j’irai danser sûrement, avec mon amoureux, celui qui me donne envie d’habiter tous les quatrièmes étages du monde. J’appellerai L. pour lui dire que je suis heureux d’avoir vécu ces sept ans, que je ne changerais rien à ce que j’ai vécu.