mercredi, mai 31, 2006

Volver !


Devant moi, dans le train, il y a une dame grotesque, les joues maquillées en brun. Deux gros lacs de terre de Sienne tout mous. Elle brode un truc de dentelle rose, carré, très moche. Elle va vite. Elle a des gros doigts. Parfois, elle arrête de faire trembler son crochet pour se ronger les ongles. J’en vois très clairement un bout sur sa lèvre inférieure peinturlurée. La diva au crochet met quelques secondes à se rendre compte du morceau d’elle échoué à l’entrée de sa bouche. D’un petit souffle expert, et comme si je n’existais pas, elle l’expulse. Il atterrit à deux centimètres de ma main. Elle ne sait toujours pas à quoi elle a échappé, la vieille. Encore un peu, je l’empalais sur son crochet sans qu’elle ait le temps de contempler une dernière fois son œuvre.

Ca tire dans mon pied. Je capitule. Je cherche les trottoirs stables de Bruxelles. Je pense à lui. Puis je me dis que je suis loin, merde. Je suis loin. Je me disais qu’avec le temps, je ne compterais plus autant les nuits Chandramoukhi. Tu parles. On ira là-bas. Je voudrais qu’on réalise ce rêve-là.

Caroline, la travelote SDF du centre ville pique une crise Gare Centrale. Elle envoie valser des cannettes de bière le plus loin qu’elle peut. Hurle de sa grosse voix d’homme comme un charretier bourguignon. Elle a des mains de dockers qui tranchent avec son jupon de tulle noir. Quinze ans que je la croise, qu’elle tire sa valise, et que ça va de mal en pis. Je descends les marches le plus vite que je peux.

Puis demain, il paraît que je refais le professeur. C'est que j'ai envie d'une balade sur les docks, moi...

vendredi, mai 12, 2006

Câpres

J’ai mangé ce soir dans un truc tout propre, plein d’étoiles au Michelin, mais ça je m’en fous. Je m’en fous parce que ça ne leur a pas empêché de me servir des câpres, avec je ne sais plus quel poisson au beurre blanc (de la raie, voilà : raie cuite au beurre salé, mousseline de pommes de terre aux truffes, câpres et gelée tiède au vinaigre de vin vieux, émulsion de noisettes et citron, qu’il dit le menu). D’ailleurs, il y a trois fois plus de mots dans le menu qu’il y a de centimètres carrés de nourriture dans mon assiette. Je déteste les câpres. Hémorroïdes de martiens puants. Pour moi, c’est une aberration de la cuisine. Un truc vert que je ne donnerais même pas à un chat galeux.

Alors j’ai bouffé tout ce qu’il y avait sous les câpres, les mettant un à un sur le côté. Puis, j’ai dessiné un cœur avec, l’air très détaché. Un grand cœur vert au milieu d’une grande assiette blanche très pompeuse. La serveuse m’a fait du baratin, feignant de croire qu’il lui était adressé. Et moi j’étais ailleurs. Je riais et j’étais ailleurs. J’ai fait mon petit show. Tout le monde riait. Les serveurs, et mon papa, et ma petite sœur, et ma belle-mère pas encore saoule… Tout le monde riait avec moi. Ils ont même pris une photo de l’assiette en cuisine. Mais moi, c’est lui que j’avais en tête, le cœur prêt à exploser. Comment peut-on rire et faire rire tout le monde et pleurer en même temps, juste derrière ?

jeudi, mai 11, 2006

Soie


Je vais enlever mon plâtre ce matin alors que j’en voudrais un énorme, m’englobant tout entier, pour plus qu’on me touche. Personne. Et puis je m’endormirais comme les sales bestioles qui peuvent dormir des mois, je fabriquerais de la soie pour beaucoup plus tard. De la soie dont je ne me servirais pas parce que j’aime pas ça. Et mon cerveau irait au ralenti. Et mon cœur aussi. Il en a besoin. Il y ferait chaud de ma propre chaleur à moi tout seul et ce serait suffisant. Parce que je suis gelé, gelé et les mains moites. Je n’aurais plus faim non plus.

mercredi, mai 10, 2006

Denise apprend le jargon médical


- Mais vous gonflez de la cheville droite, Denise !
Denise, du bout de sa voix criarde et haut perchée :
- Ben oui, je suis allée chez le médecin. Il m’a envoyé faire une prise de sang ce matin à huit heures. Il m’a fait un jour deux prises de sang mais il ne les fait plus lui-même. Mais il dit qu’à l’hôpital, on a les résultats plus vite.
Montrant son cou, elle continue :
- L’autre fois, il m’avait fait une prise de sang et m’avait dit que j’avais un cloître…
- Vous voulez dire un goitre, sans doute…
- Oui, c’est ça, des problèmes avec le truc qu’on a là (doigt enfoncé sous la gorge).
- La thyroïde, vous voulez dire.
- Voiiilààà, c’est ça, la thyroïde !

mardi, mai 09, 2006

Accusé de réception

J’ai envoyé un mail à quelqu’un. J’ai eu une espèce d’accusé de réception qui disait ceci : « Cet accusé de réception vous informe seulement du fait que le message a été ouvert par le destinataire. Cela ne veut pas dire que le message a été lu ou compris. » Comme je l’ai écrit dans un français tout simple, et avec une suite d’idées que je trouvais logiques, c’est le dernier mot, « compris », qui m’inquiète un peu.

Quoique…