vendredi, février 24, 2006

Abysses

Je passe sur un blog et, à la lecture du dernier post, j’ai une envie de phrase assassine, là, comme ça. Quand ça devient trop, la bêtise me révolte. Par le Saint Prépuce de Jésus Christ, jamais lu un tel tissu de lieux communs aussi abyssaux… Rien d’assassin là-dedans, me diras-tu. C’est le commentaire que j’aurais voulu laisser qui risquait de l’être, et ça ne servirait à rien. Et puis je ne sais pas au nom de quoi je me permettrais d’avoir la critique assassine sur une page, certes dénuée du plus infime intérêt, mais personnelle et sans prétention (dixit l'auteur). Je ne lis pas les blogs. Deux-trois, pour rire, en passant. Je ne lis pas ceux des amis. Aucun. Je veux les voir, pas les lire. Envie de laisser un commentaire. Ca me démange. De toute façon, il y en a déjà de trop. Toujours la même poignée de lecteurs qui se gargarisent de bons sentiments. Elèves insupportables en dernière heure. Je leur dis. « Je vous trouve bêtes aujourd’hui. » Je congédie la classe avant l’heure. Je suis à deux doigts de penser, comme la plupart des collègues, qu’ils ne s’intéressent à rien. Quand c’est comme ça, je préfère ne plus les voir, et je leur dis aussi. Ils sont dehors avant l’heure. Tant pis si un cerbère péroxydé et vieillissant se délecte à l’idée d’aller le signaler à la direction. Je voudrais lui écrire un poème à trois sous, rigolo et beau de mots tout ronds. Mais je ne sais pas écrire de poème. Je ne sais pas jouer de violoncelle non plus. Ni faire de gâteau de Savoie à la crème au beurre au moka. Ma mamy, elle, ne sait plus "comment je suis fait." Je vais me charger de lui rappeler ce soir. J’ai des drôles d’idées dans la tête depuis quelques jours. Merde. A force de penser, merde. Et merde. Heureusement, il y a encore le Chef de gare de la Tour de Carol.

jeudi, février 23, 2006

Petite annonce


Youpyoup Youpyoup Youpyoup

Troque trois jours contre des milliers de Youpyoup sur un drap bleu.

Warhaproute et heures de fourche


Jeudi, 13.00. Ca y est. Ils ont débarqué, tous tromblons, hachettes et massues dehors. Hauts comme deux marmousets superposés, souvent larges comme trois, vêtements sombres et amples, cheveux pendant jusqu’aux épaules. Ils parlent «gobelins, unités, ligue d’attaque, chemin de niveau 4, escarmouches, black templar»…

Histoire d’occuper un peu plus mes jeudis truffés d’heures de fourche, j’ai été promu Darth Vader asthmatique, chef en chef du club de Warhaproute de l’école. En gros, un jeudi sur deux à 13.00, deux ou trois armées de bonshommes ridiculement accoutrés et grimés comme des portières de semi-remorques tourquennois viendront se taper sur la gueule dans mon local. Y a vraiment que moi pour accepter ça…

En attendant, je me marre de loin et je me dis que c’est juste du scafotage de bidouilleurs de figurines.

Franka Lamo et Chandramoukhi


Bruxelles-Paris. Aller-retour. Une demi-heure dans ses bras. Franka Lamo n'a pas assuré. Gnoutasse. Hier soir, Chandramoukhi est restée Grosjean comme devant.

He never knew how disappointed he was


Mercredi matin. Retour au pays. Je ne t’écris plus. Le temps passe si vite depuis quelques semaines… Les élèves sont calmes. Le reportage sur les cathédrales semble en intéresser quelques-uns. Les autres dorment. A. n’a pas enlevé son manteau. Elle est tellement vautrée sur son banc que sa culotte verte et la raie de ses fesses dépassent de son pantalon trop étroit. Sa voisine se gratte le nez avec nonchalance et rit dans le vide. S., en rouge juste devant moi, essaie d’ameuter ses voisins immédiats en grimaçant bêtement. M. fait semblant de jouer de l’orgue sur son banc. Tout va bien, quoi… Et moi je remplis de mes mots une grande feuille à carreaux.

Je le retrouve à l’entrée de la nuit. Sa voix résonne à travers la pièce. Il travaille un commentaire d’anglais et me lit une phrase dont il aimerait venir à bout. Ca donne ceci : « He never knew how disappointed he was. » Le voyage, le froid et le chaud m’ont fatigué. Je rassemble mes forces, essaie de me concentrer sur ces sept mots obscurs, plus vraiment capable de faire avancer le schmilblik. Je compte le nombre de bougies qui, d’ici dimanche, éclaireront le visage de ma Chandramoukhi danoise, et je monte me coucher.

Le printemps arrive, et la musique avec lui. Je le sens. Pour la première fois de l’année, j’arrive à l’école mon accordéon au dos. Le trio est reformé. J’ai un peu peur. Le troisième larron tricote plus vite que toutes les grands-mères de l’Ouest. On poussera nos premières notes tout à l’heure, sous les toits d’un café de la Place du Jeu de Balle.

Je termine ma matinée à cran, sans aucune raison apparente. Juste envie de bouger, de courir et de crier. J’avale mon sandwich avec frénésie, comme si je voulais pousser le temps. Je rêve d’ellipses, une fois de plus. Mon esprit voyage entre Valparaiso que je ne connais pas, et Bruxelles que je connais si bien. Je me visse Aurelia sur les oreilles. Je me dis qu’il aimera certainement…

Je sais que je suis une éponge, que le plus simple des mots voit ses forces décuplées quand il est prononcé par lui. Il a encore fallu que je fasse le malin, alors qu’il me raccompagnait en métro jusqu’à mon train maquillé de rouge et de blanc pour le carnaval.

La mariée de gauche est tarte. Je ris. « Tu mettras la photo quand tu écriras ? » Je pense à ma grand-mère, presque aussi tarte que celle-ci, trop mince dans sa robe de mariée serrante.

J’étais dans le grand lit, ce matin, et je l’imaginais tellement bien, endormi sur le côté gauche, que j’ai eu l’impression de le voir.

mercredi, février 01, 2006

22h20, cerveau, état des lieux


Sept heures du matin. J’ai un train à prendre et je descends la côte. Mon visage sent la crème au capuchon rose pâle. Je porte les gants verts rayés de vert plus foncé. Sans doute il dort encore. Je crois que je souris. Il y a du vent et je souris. L’herbe du pré, à ma gauche, est blanche et j’ai les oreilles qui piquent un peu. On est le premier février. C’est arrivé comme ça tout d’un coup. Parfois dans la vie on ne voit plus le temps passer. On se réveille un matin et on est le premier février. Dans une paire d’heures il se réveillera aussi et passera les gants bleus rayés de bleu plus foncé. Son visage sentira le riz blanc. Et je fermerai sans doute un peu les yeux, juste quelques secondes, pendant que les p’tits potes travailleront, le temps de le voir encore mieux, lui qui ne me quitte pas un instant, et je respirerai lentement. Je jette un œil par la fenêtre du train. Il doit geler sur les gros câbles, juste au-dessus de moi. Le contact du train et du métal provoque des étincelles qui lancent une lumière bleutée sur les rails d’à côté. Les fenêtres sont fermées et on entend crépiter le métal et le froid, comme du bois très sec dans la cheminée.

La voix de F. me fait du bien. Elle a l’air de bien aller. Elle me manquait. L’entendre me fait réaliser qu’elle me manquait encore plus que je le pensais. J’aime écouter ma collègue M. Elle va se choper la soixantaine d’ici pas longtemps et je ne la verrai plus, et la salle des profs sera un peu plus triste encore. La dixième clope de la journée au bout des doigts, elle me parle d’une voix faible et rauque de cinéma italien, puis d’une scène de La Vie de Brian. Sa voix me repose et m’abstrait du reste de la salle brailleuse et plaintive. Je m’approche un peu d’elle et je n’entends plus sonner la fin de la pause. B. me passe les mains dans les cheveux. Elle m’a fait de la mousse au chocolat et demain elle nous fera des crêpes et je dormirai dans un coin de sa maison, mon accordéon à portée de mains. Il faudra que je pense à défaire le sapin. Dimanche, à deux, on mettra les fleurs dans des vases et on rangera boules, perles, et plumeaux vieux rose dans du papier tout fin qu’on remisera au fond du grenier. J’écoute Silsila Ye et je la vois tourner en projetant sa poudre rouge. Je sors du restaurant. Je voudrais des notes avec lui, un jour… Je serai patient. J’en rêve, juste.

J’ai mis le chauffage dans la chambre, placé une bougie dans le photophore Chandramukhi et je vais me faire du thé.

Je crois qu’il a fait très froid ce matin.